Par le Rev. Pasteur Kisongo Ildephonse Mbeleulu (Congolese Theologian)
L’année 1960 est une année pivot des indépendances africaines. Peu avant et après cette date beaucoup de pays ont accédé aux indépendances politiques et a la souveraineté nationale. Ainsi, beaucoup de pays d’Afrique sont dans l’effervescence de célébrer un demi-siècle d’auto-gouvernance. Aucun pays ne voudrait pas manquer ce rendez-vous historique.
Cependant, le bilan en matière de développement reste négatif dans beaucoup de pays. Les économies sont toutes en faillite à quelques exceptions près. Les maladies jadis éradiquées ont refait surface. Les populations sont mal nourries et sous- alimentées. La corruption et l’injustice sociale sont devenues monnaie courante. La pauvreté a augmenté et la misère a atteint son paroxysme. Les indépendances sont devenues une frustration et un cauchemar pour beaucoup de personnes qui souhaitent même le retour du colonisateur blanc sur leur sol. Que dire de cette situation au regard du texte de Deutéronome 15 :4 qui stipule : « Toutefois, il n’y aura pas de pauvre parmi vous, car le Seigneur votre Dieu vous comblera de biens dans le pays qu’il vous donnera en possession… »?
« …Il n’y aura pas de pauvre parmi vous… » est une pensée révolutionnaire de Dieu contre le système politique, économique et social qui régissait les sociétés cananéenne et égyptienne de l’époque. Cette pensée qui voulait former une nouvelle société dont la vie basée sur la communauté devait être un signe distinctif du peuple de Dieu par rapport aux peuples environnants. En effet, les pauvres des peuples cananéen et égyptien étaient victimes du système économique et sociopolitique mis en place par leurs propres élites. C’étaient des systèmes qui exploitaient atrocement la basse classe pour un profit faramineux de l’élite. Vu que le système économique de ce temps était essentiellement basé sur l’agriculture, la taxe imposée aux agriculteurs par la « Cité-Etat » était lourde. Les paysans devaient se dédouaner en payant l’argent ou une partie de leur production agricole. En cas d’une production maigre à cause de la sécheresse, infertilité d’un sol surexploité, une maladie physique de l’agriculteur ou une calamité naturelle quelconque, le paysan pouvait facilement perdre son lopin de terre pour honorer obligatoirement ses redevances. Au pire, il pouvait vendre ses enfants ou sa femme en esclavage pour pouvoir s’en sortir. Au clair, la taxe exorbitante était une machine productrice des pauvres car elle arrivait à dépouiller les pauvres de leurs terres qui, du reste, étaient leur seul moyen de survie. Cette taxe enfonçait ainsi les pauvres plus dans la pauvreté et une mort lente mais sûre. Il y a lieu d’observer ici qu’il n’y a pas une grande différence avec ce qui se passe dans les Etats africains modernes.
Ainsi, la Bible ne considère pas la pauvreté comme un fait du hasard. La pauvreté est une création humaine car elle est le résultat d’une planification et des décisions politiques et économiques d’une élite qui veut toujours garder tous les avantages du pouvoir en sa faveur. Les cas de la monarchie juive au temps de Rehoboam fils de Salomon (1Rois 12:4-5, 10-11) la paupérisation et la réduction des Juifs en esclavage par les Egyptiens (Exode 1 : 8-22) parlent d’eux-mêmes.
Dieu a comblé les pays africains de ressources nécessaires pour leur développement et le bien-être de tous dans leurs sociétés respectives. Cependant, leur avenir est incertain et hypothéqué. Les tenants du pouvoir nous font assister à un double jeu. Ils appauvrissent leurs populations par des mécanismes sournois pendant qu’ils les nourrissent encore d’espoir. La pauvreté extrême de populations en Afrique questionne l’intégrité, le savoir-faire et les ambitions de ceux qui sont dans les arènes du pouvoir. Cette pauvreté questionne ensuite la morale et les droits de la personne humaine aujourd’hui. Au plus haut degré, elle met le caractère moral de Dieu au défi.
Dieu ne tolère pas l’oppression des pauvres d’où qu’elle vienne. L’histoire de libération des Juifs en Egypte des Pharaons et aussi la déportation de ces même Juifs en exile babylonien peuvent servir d’exemples. Il serait alors mieux de noter que si un système devient très corrompu, déterminé à maintenir l’injustice et le statu quo en faveur d’une minorité ou un club d’amis au pouvoir, les actions individuelles et isolées de charité ne peuvent plus être envisagées pour soulager et créer l’espoir pour les victimes du système ; parfois la réforme aussi devient inefficace. Dieu, au travers des individus, finit par intervenir en provoquant tout simplement un changement radical par le remplacement des structures en place pour répondre aux cris des victimes. C’est à ce niveau que l’approche holistique peut trouver sa signification pleine. La sagesse française dit : «Un homme averti en vaut deux ».