Quelle Justice pour Résoudre la Question des Femmes et Filles Violées de L’Est du Congo : La justice réparatrice

by admin on May 15, 2010

 par: Fidel Ayu Lumeya
E-mail: Lumeyaf@yahoo.com

Introduction

            Toute société ou collectivité confrontée à des crimes et des conflits a l’obligation de les affronter directement pour les éradiquer plutôt que de les ignorer. Il existe de nombreuses façons de répondre aux crimes et toute société doit faire un choix. Ces choix varient entre ce que Zehr (1998) a appelé les trois “R” de la justice: réparatrice, punitive ou de vengeance. De nombreux pays à travers le monde ont choisi la vengeance et le châtiment comme forme dominante de la justice légale en réponse à la criminalité auxquels ils sont confrontés. La conséquence d’un tel choix est que, selon de nombreuses études récentes sur le système judiciaire moderne, la population carcérale se développe rapidement au lieu de diminuer.
            Cet article explore (1) la sagesse de la société traditionnelle africaine, avant la période coloniale et la façon dont les africains traitaient les victimes de l’injustice, les délinquants et la collectivité tout entière. Les valeurs de la justice réparatrice qui les ont conduits à choisir entre la justice réparatrice, punitive et la vengeance comme modèle de justice (2), ce qu’ils avaient à l’esprit pour atteindre en choisissant la justice réparatrice, ses objectifs (3),
I. La justice réparatrice: la sagesse de la société traditionnelle africaine
On ne peut comprendre la justice réparatrice dans une perspective africaine sans d’abord comprendre la vision africaine du monde. On ne peut pas comprendre la vision africaine du monde sans la compréhension de la base philosophique qui constitue la vision africaine du monde. La vision du monde est définie comme le mélange unique de cultures et d’expériences qui façonnent la manière dont un individu ou des groupes interprètent et donnent  un sens au monde. (Shirch 1998)
La vision africaine du monde est fondée sur la religion traditionnelle africaine et sur les valeurs culturelles africaines.
La religion est le modèle que les gens utilisent pour expliquer la réalité de toutes choses. (Hiebert 1999:336).
En Afrique, ce modèle la religion est transféré de génération en génération à travers des formes symboliques comme le mythe, les tabous, rituels et récits. Ces processus peuvent être compris comme la communication verbale et non verbale. Les personnes ‘apprennent et ‘héritent de leur culture en même temps. La culture est définie comme: un dérivé de l’expérience individuelle, quelque chose apprise ou créé par des individus eux-mêmes ou qui leur est socialement transmise par des contemporains ou des ancêtres “( Avruch 1998:5). Ils l’ont également transmise à une autre génération ou un autre groupe. Selon Avruch (1998:8-10) fait une différence entre l’inter-traductibilité de la culture, la culture générale et de la culture locale.
Partout où ils se trouvent les Africains noirs sont intimement liés dans l’esprit de la religion, la culture et la morale. La morale se préoccupe fondamentalement par la promotion du bien être des autres et par la prévention des dommages par l’expérience à d’autres ou la perturbation du bien-être des autres. Cette façon de penser est bien expliquée par le célèbre concept sud-africain de Ubuntu.
Magesa écrit (1998): «Aucune société saine ne choisit de construire son avenir sur les cultures, des valeurs ou des systèmes étrangèrs. Toute société est obligée de chercher en profondeur dans sa propre histoire, sa culture, sa religion et sa morale afin de découvrir les valeurs sur lesquelles son développement et sa libération,  sa civilisation et son identité doivent être fondés. Agir autrement, n’est rien de moins que le suicide commun ».

Et, une action immorale, celle qui provoque non seulement le mal ou le manque de bien-être tels que la pauvreté, la maladie, la tristesse, la faiblesse, l’emprisonnement, mais la compréhension qu’a la société traditionnelle africaine d’une action immorale va au-delà de comprendre l’action qui prive une personne de la santé, de la richesse, du bonheur, de la force, de la  liberté,  etc…
C’est cette philosophie de liaison de la culture, de la religion, et de la morale qui crée un cadre culturel dans lequel la justice réparatrice est encadrée.
A partir de ce cadre religio-culturelle la justice réparatrice est définie comme un processus juridique qui vise à réunir une victime de violation des droits de l’homme, le délinquant et la communauté pour écouter les uns et les autres, et de partager leurs souffrances indicibles. L’écoute des autres est un signe de respect dans de nombreuses cultures et traditions.
            Pourquoi les victimes, le délinquant et la collectivité se réunissent? Pour répondre il faut comprendre le sens de l’univers de la religion africaine. L’univers est un composite d’éléments animés et inanimés hiérarchiquement perçus et directement liés. L’humanité est perçue comme faisant partie du monde visible. Le monde invisible contient les sphères de Dieu, des ancêtres et des esprits.
Ainsi, le rôle de la religion dans la vision du monde est explicative et aussi un moteur du comportement humain (Hierbert 1999:336). La morale et l’éthique de la vie sont dictées à partir de cette compréhension. Le comportement humain est réglementé et codés à partir de la religion. La société est organisée et dirigée conformément à une vision non métaphorique de la morale.
Le point de vue non métaphorique de la morale concerne l’expérience de bien-être. La forme la plus fondamentale de la moralité concerne la promotion de l’expérience du bien-être des autres et la prévention des dommages à d’autres ou la perturbation du bien-être des autres ou d’un crime.

Lorsque nous parlons de la vision africaine du monde, nous parlons d’une combinaison de visible et invisible des êtres humains et les esprits agissant dans l’ordre. L’univers est immuable et il existe une hiérarchie des autorités en commençant par l’autorité morale et l’ordre moral ou l’ordre naturel.
De ce point de vue de Dieu est une autorité morale. Beaucoup d’africains considèrent Dieu comme un grand ancêtre. Dieu est le donateur et le protecteur de la vie, le dispensateur de terre et il est un Dieu de justice, de paix et la et de réconciliation. Par conséquent, comme Dieu est le seul qui peut donner, protéger et soutenir la vie, personne  n’a le droit ni le pouvoir de prendre la vie d’un autre.
Maintenir tout en vie est un principe de bénédiction et de prospérité.
II. La justice réparatrice: les valeurs
La dans la vision africaine du monde la justice réparatrice traite deux questions clés fondamentales : celle de trouver un équilibre et l’harmonie entre l’humanité, de la société, le monde et l’univers, ainsi que l’absolu. Comme tels, ils constituent des preuves d’un système rigoureux de la pensée, de conscience de soi, une espèce de prise de conscience fine au centre fonctionnel d’une culture donnée.
Bien que la rétribution ou de la peine a été utilisé comme mode de la justice par les plusieurs sociétés africaines traditionnelles, la restauration également comprise comme restitution était la réponse dominante à l’injustice ou aux crimes.
Pour comprendre la valeur de la justice réparatrice il faut comprendre les Procédés de la Responsabilité Morale (Lakoff 1996, 2002) ou des métaphores des livres maintien de la moral.


1. Les Procédés de responsabilité morale:
sont basés sur deux principes de l’action morale: Le principe d’action positive: l’action morale donner quelque chose de valeur positive; l’action immorale donne quelque chose de valeur négative. Le second est le principe de remboursement des dettes: il y a un impératif moral de payer ses dettes morales; faillir à payer ses dettes morales est immoral.
En outre, les procédés de responsabilité morale, sont réalisés dans un petit nombre de régimes de base de systèmes moraux tels que: la réciprocité, la rétribution, la restitution, etc …
a. La réciprocité: signifie qu’une bonne action q’un membre d’une communauté ou qu’une communauté tout entière reçoit d’un autre met le  récipiendaire (un individu ou une communauté tout entière) en «dette» et devrait être remboursée en faisant quelque chose d’aussi bonne pour le donateur qui devient alors un récepteur dans sa tour.
b. La rétribution: pour comprendre la vengeance on doit comprendre les transactions morales (Lakoff 1996, 2002). La responsabilité morale est régie par une version morale de l’arithmétique de la tenue de comptabilité, dans lequel gagner un crédit équivaut à la perte d’un débit et obtenir un débit équivalent à la perte de crédit. La rétribution concerne l’équilibre du livre moral. Quand un membre de la communauté qui a été lésé décide de porter atteinte à son tour à celui qui l’a nui.
c. La restitution est la métaphore arithmétique morale, une façon de donner quelque chose de valeur égale positive après que quelqu’un ait fait du mal.
Quel est le lien entre la justice réparatrice et de l’humanité? Peut-être la plus grande peur dans la vie humaine est la perte du sens et de l’ordre. Quand il y a du sens, il y a de  l’ordre, notre vie a un sens et, quand nos vies ont un sens, nous avons le sentiment d’être en sécurité.

Quel est le lien entre la justice réparatrice et la société? Le sens de la vie est à travers la toile sociale des membres de la communauté. Ce réseau social n’est pas, cependant, la seule condition pour la plénitude de la vie. Il existe une autre dimension que les Africains utilisent pour donner un sens à leur vie, les systèmes religieux.
Quel est le lien entre la justice réparatrice et le monde et l’univers?
III. La justice réparatrice: Objectifs
Les objectifs de la justice réparatrice ne sont pas différents des objectifs de la Conférence de Réconciliation entre la Victime et le Délinquant:
• Créer un forum où les délinquants peuvent être aidés à comprendre l’illicéité de leurs actions

• Offrir l’occasion aux délinquants d’acquérir ou de retrouver un sentiment de respect de soi en prenant la responsabilité de leurs actes.

• Amener les victimes et les délinquants à se rencontrer face-à-face là où ils peuvent exprimer leurs sentiments et parvenir à des accords nouveaux,

• Décider ensemble de ce qui sera le mieux pour réparer les préjudices causés, et pour commencer le processus d’oubli de l’incident afin d’aller de l’avant (Sharpe 1998:25)

Conclusion
             La valeur de la justice réparatrice du point de vue de la société africaine traditionnelle est fondée sur l’intention de base de Dieu, la vision fondamentale de Dieu, pour le genre humain. Cette intention et la vision se résument dans l’idée de Shalom. Zehr (1990:130-131) écrit:
Shalom se réfère à une condition de « toute justesse »  des choses telle qu’elles devraient être, dans différentes dimensions. Contrairement à des hypothèses communes shalom fait généralement référence à des circonstances ou des conditions matérielles ou physiques. L’intention de Dieu est que l’humanité vive le bien-être physique … comprennent la santé et la prospérité matérielle,  l’absence de menaces physiques telles que la maladie, la pauvreté et la guerre … Une deuxième dimension de Shalom se réfère aux relations sociales … Puisque la justice biblique cherche à rendre les choses mieux, la justice n’est pas conçue pour maintenir le statu quo. En effet, son but est de secouer le statu quo, afin d’améliorer, d’aller vers le  Shalom.

            L’intention de Dieu et sa vision de la paix, comme l’a expliqué Zehr, est holistique (matériel, moral et écologique). La tradition africaine croit en cette vision. Au lieu de la punition, la réparation des dommages est proposée à l’auteur comme une alternative. Le face-à-face n’est pas organisé dans l’intention de déshumaniser ou de diaboliser les victimes, les délinquants ou les communautés, mais plutôt comme une occasion de parvenir à l’intention de Dieu et à sa vision pour la paix au sein de la communauté. Aucun shalom ne  peut être vécu lorsque les membres de la communauté vivent dans la peur et la suspicion, dans des environnements imprévisibles.
 Une communauté peut réaliser le dessein de Dieu et la vision de shalom lorsque ses membres sont investis des pouvoirs et impliqués dans le processus de recherche d’une réponse à la restauration de la criminalité qu’ils vivent. La société est obligée de faire un choix entre la vengeance, la rétribution et la restauration et doit assumer sa responsabilité pour n’importe quel choix. En Afrique chaque fois qu’un changement politique a lieu, la plupart des gouvernements choisissent la vengeance et  le châtiment comme un moyen de faire face à leur passé. Plutôt que la vengeance et le châtiment, l’Afrique du Sud a fait un pas en avant dans la création d’un espace de paix où la communauté peut se rassembler et examiner leur passé. De ce passé, ils peuvent prendre des mesures vers la guérison et la réconciliation.

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Ngulungu July 16, 2010 at 4:39 am

C’est avec intérêt que j’ai lu ce papier de Fidèle. Je profite de sa pensée pour reconnaître et lancer un appel à la communauté mondiale que la femme congolaise de l’est a besoin d’une justice réparatrice en vue de moraliser sa vie publique car, elle est victime d’une violence inouïe utilisée comme arme de guerre durant les deux dernières décennies en RDC. Et ce ne sera qu’une justice faite à un être humain, créature du parfait Dieu.

admin June 29, 2011 at 8:46 am

merci Mr. Alain

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